Quand le numérique crée une expérience de vulnérabilité : l’apport de la théorie du Care.

La ville numérique
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Vulnérabilités, inclusion et équité

Le numérique est aujourd’hui indispensable dans notre société. Que ce soit pour des tâches administratives, ludiques, culturelles ou même sportives. Le numérique nous permet d’accéder à une meilleure qualité de vie. L’usage du numérique a su s’intégrer dans nos pratiques de consommation, et même au-delà de cela, dans nos modes de vie. 

Nous pouvons dire que le numérique entre dans une logique de TSR : Transformative Services Research (Anderson et al., 2013). Ce champ de recherche se fonde sur l’étude des services proposés aux consommateurs pour accéder à une amélioration de leur qualité de vie (Brenkert, 1998).

Ce changement dans nos styles de vie, ainsi que dans nos pratiques, fait émerger de nouveaux problèmes. Si le numérique offre une meilleure qualité de vie aux consommateurs (Edwards et al., 2018) alors il faut que cet outil devienne accessible à tous les citoyens.

Définir l’exclusion numérique

L’exclusion relève d’une binarité. Soit l’individu se situe dans la norme sociale, soit il en est exclu. Il y a une idée de marginalité et d’isolement dans l’inclusion. La sociologie du risque évoque le terme de disqualification sociale (Paugam, 1991). Cette disqualification se manifeste à la suite d’un processus de différentes vulnérabilités qui entrent en interaction. S’ensuit une situation d’exclusion pour l’individu.

L’exclusion se définit plus largement par l’incapacité d’un individu à accéder aux critères de normalité (Shrum, 2012 ; Denis et al., 2016). Si le numérique intègre aujourd’hui nos styles de vie, alors il fait lui-même partie de cette normalité à atteindre en vue d’accéder à une meilleure qualité de vie. Le numérique est donc un « nouveaux critère d’inégalité au sein de la population » (Cauchard, 2021), d’autant plus qu’il permet de réduire le sentiment d’exclusion sociale et augmente la participation sociale (Denis et al., 2016 ; Kenyon et al., 2002). Nous pouvons donc penser qu’il existe une exclusion numérique qui limite l’autonomie d’une certaine partie de la population

Comprendre la vulnérabilité

L’exclusion est le résultat d’une ou de plusieurs vulnérabilités. La vulnérabilité se définit comme « le résultat d’interactions multiples créant un état d’impuissance et de dépendance chez le consommateur qui n’a pas le contrôle de la situation » (Cauchard, 2021).

La vulnérabilité se caractérise en trois dimensions :

– Une difficulté dans l’accès au ressources (Ex: Accès à un outil numérique, accès à internet)

– Une difficulté dans la maîtrise des informations relatives aux ressources (Ex: Maîtrise de l’interface Windows, Apple, navigateurs web, etc.)

– Une situation temporelle : Vulnérabilité transitoire/Vulnérabilité chronique

Concernant cette idée de temporalité, nous pouvons évoquer le terme de « vulnérabilité transitoire » lorsque la situation peut être « réversible » avec des « efforts modérés » (Cauchard, 2021). Si la situation de vulnérabilité demande des efforts plus conséquents alors nous allons employer le terme de vulnérabilité chronique. Cette vulnérabilité va demander de réels efforts pour permettre l’autonomie des personnes.

Il y a donc une réelle vulnérabilité numérique chez des populations qui n’ont qu’un accès ou alors qu’une maîtrise limitée des outils numériques. Cette exclusion numérique entraîne des logiques de disqualification sociale qui vont s’accroître progressivement.

L’apport de la théorie du Care

En réponse à ces situations de vulnérabilité ou d’exclusion, la théorie du Care se caractérise par une approche empathique de l’aidant afin de développer l’autonomie des personnes. Cette théorie s’appuie sur la considération des différentes variables qui amènent à la vulnérabilité, sans stigmatiser pour autant l’individu en situation de difficulté. En effet, l’aidant peut à tout moment être lui-même sans des situations de vulnérabilité et recourir lui aussi à des dispositifs d’aides (Delassus, 2012).

 

Nous pouvons donc considérer que la théorie du Care favoriserait l’autonomie de l’individu dans le cadre de l’utilisation des outils numériques. Il ne s’agit donc pas d’aider simplement l’individu à travers le développement de ses compétences, mais à développer son estime de lui-même, à le reconnaître socialement sans le stigmatiser.

La théorie du Care relève donc d’un « empowerment » des individus en les accompagnant positivement et en redéfinissant le rôle des parties prenantes dans les différents parcours numériques. Nous pouvons donc constater que cette théorie se divise en deux dimensions que les aidants ainsi que les différentes parties prenantes doivent prendre en compte :

– La dimension relationnelle et affective qui encourage à émanciper les individus d’un processus de stigmatisation.

– La dimension fonctionnelle qui développe les compétences des individus et leur permet de s’approprier les outils numériques.

Ainsi, la théorie du Care permet un meilleur accompagnement des individus exclus du numérique. Cet accompagnement se caractérise par un développement de l’autonomie des individus par le biais d’approches complexes qui s’adapteront en fonction des parcours de vie. Pour cela, les praticiens et les chercheurs, en ce qui concerne le domaine de l’exclusion numérique, doivent s’intéresser à l’application des quatre principes du Care : Caring about, taking Care of, Care giving, Care receiving.

 

Malgré le contexte “virtuel” et dématérialisé du numérique, il est impératif de prendre en compte la dimension sociale et relationnelle lors des accompagnements.

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