L’inclusion numérique perçue pour encourager les pratiques numériques des utilisateurs.

La ville collaborative, La ville numérique
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Expérience hybride et co-création de valeur, Vulnérabilités, inclusion et équité
Découvrez les principaux résultats des travaux de thèse de Léa Cauchard.

Une transformation numérique sans précédent

Les interactions numériques entre les utilisateurs et les organisations ne cessent de croître dans le monde (de 20% en juin 2017 à 58% en juillet 2020 d’après l’étude de McKinsey réalisée en octobre 2020).

En 2021, près de 5,3 milliards de personnes possèdent aujourd’hui un téléphone portable, soit 67% de la population mondiale (rapport Hootsuite et We Are Social Digital 2021).

Les organisations investissent alors massivement dans la transformation numérique de leurs parcours et de leurs relations comme le démontrent les dépenses exponentielles consacrées à la transformation numérique dans le monde de 2017 à 2025.

Dépenses consacrées à la transformation numérique dans le monde de 2017 à 2025 (en milliers de milliards de dollars américains). Graphe extrait de statista.com, Capgemini (juillet 2020).

Mais des inégalités numériques qui persistent !

Cependant, « le rythme accéléré de la transformation numérique risque d’accroître l’exclusion sociale de groupes déjà vulnérables qui ne sont pas alphabétisés ou connectés au numérique » (Nations Unies, le 18 février 2021).

Rien qu’en France, le dernier rapport publié par le Sénat établit que l’égalité numérique au sein de la population est difficile à atteindre avec « un français sur deux [qui] ne se considère pas à l’aise avec le numérique » (Mission d’information enregistrée à la Présidence du Sénat le 17 septembre 2020).

Près de 13 millions de Français sont en difficulté avec le numérique (societenumerique.gouv.fr).



Image extraite de www.inclusion-numerique.fr

Nécessité de basculer vers des stratégies numériques plus inclusives

À cet égard, l’inclusion numérique se présente comme un enjeu sans précédent. Effectivement, en 2020, Euromonitor International a identifié « l’inclusion pour tous » comme l’une des tendances émergentes et à évolution rapide (Angus et Westbrook, 20207). En 2022, les Nations Unies définissent « ne laisser personne de côté » comme un objectif de développement durable.

Ainsi, pour favoriser l’inclusion numérique de la population, les institutions et les organisations, qu’elles soient publiques ou privées, déploient de nombreuses actions à destination des populations qui rencontrent des difficultés avec le numérique.

Ces mesures visent à améliorer l’accès au numérique (aides à l’acquisition de matériel, dons, etc.) et à renforcer les compétences numériques (formations, déploiement de 4 000 conseillers numériques France Services, etc.)

Pourtant la littérature démontre que les organisations priorisent certains facteurs d’exclusion au détriment d’autres, ce qui risque de créer de nouvelles formes d’inégalités et une aggravation de la fracture numérique. La lutte contre l’exclusion numérique ne peut donc se limiter à la vulgarisation de l’usage du numérique car les facteurs générant une expérience d’inclusion chez l’individu sont différents de ceux générant une expérience d’exclusion.

Notre recherche s’interroge alors sur l’inclusion numérique à l’échelle de l’individu pour la distinguer de l’exclusion numérique et des attitudes vis-à-vis du numérique.

Appréhender l’inclusion numérique à un niveau individuel

L’inclusion se construit à deux niveaux :

  • Le niveau collectif correspond aux conditions sociétales dans lesquelles évolue l’individu (macro) et aux caractéristiques des actions et stratégies privilégiées par les organisations comme le choix de s’engager dans la transformation numérique de leurs parcours et de leurs relations (méso).

  • Le niveau individuel quant à lui appelle à un retour aux travaux en psychologie sociale et en sociologie, il fait écho à la perception d’inclusion que développe l’individu (micro). Cela nous amène à nous questionner : comment l’individu construit-il sa perception d’inclusion numérique dans la société actuelle ?

Une étude qualitative pour définir l’inclusion numérique perçue

Une étude qualitative réalisée auprès de 12 professionnels de la chaîne de valeur de l’inclusion numérique et de 13 utilisateurs a permis de définir l’inclusion numérique perçue selon quatre dimensions et deux axes.

L’inclusion numérique perçue se réfère au jugement que l’utilisateur porte sur : 

  • Sa facilité d’accès aux dispositifs numériques (accessibilité) ; 
  • L’équité de traitement que l’organisation lui réserve par rapport aux autres (équité externe) ; 
  • Sa capacité à mobiliser le numérique de manière libre, indépendante et contrôlée (autonomie),
  • La valorisation que les autres accordent à ses actions et ses usages numériques (reconnaissance).

Ce jugement permet à l’utilisateur de se positionner socialement par rapport aux autres et d’extraire des dispositifs numériques la valeur nécessaire à la satisfaction de ses attentes. 

Enquête réalisée auprès de 594 Français : quels sont les effets de l'inclusion numérique perçue ?

Principaux résultats

1. Dépasser la stigmatisation : les problématiques d’inclusion numérique sont universelles !

Généralement, l’utilisateur perçoit l’utilisation du numérique comme une contrainte et non comme une opportunité d’autonomisation et cela, qu’importe son profil social et ses attitudes vis-à-vis du numérique. 

Proposition de la stratégie MÉRI : travailler sur les conditions du vivre-ensemble pour replacer le numérique à son rôle d’outil et encourager les attitudes vis-à-vis du numérique de l’ensemble de la population.

La littératie numérique (compétences) et la prédisposition numérique (motivations) de l’utilisateur doivent être stimulées conjointement pour que la population s’ancre dans une logique d’apprentissage itérative qui répond aux exigences de la forte régénération technologique.  

Adapter les formations au numérique : 

  • Proposer des formations au numérique qui font sens et qui s’appuient sur les motivations intrinsèques de l’utilisateur,
  • Établir un consensus autour des nouveaux métiers de la médiation numérique.

2. L’inclusion numérique perçue pour mieux expliquer les pratiques numériques.

Une analyse Cluster Two-Step démontre qu’un fort degré d’inclusion numérique perçue entraine des pratiques numériques de création de valeur (participation motivée et engagement). Stimuler les dimensions de l’inclusion numérique perçue permet ainsi d’encourager les pratiques numériques de création de valeur de la population. Plus particulièrement :

  • Les actions d’inclusion numérique qui se concentrent uniquement sur les conditions d’accès au numérique ne suffisent pas pour pallier les inégalités numériques existantes. L’accessibilité territoriale est un prérequis à la participation motivée, mais elle n’encourage pas l’instauration d’une relation durable entre le client et l’organisation.
    De plus, l’utilisateur peut s’éloigner des logiques d’apprentissage proactives s’il perçoit une forte accessibilité financière au numérique.

  • Reconsidérer l’autonomie face au numérique. L’autonomie perçue par l’utilisateur se construit selon ses compétences et sa perception de liberté de choix et d’actions.
    Nous retenons alors que l’autonomie de choix et d’actions renforce davantage les pratiques numériques de création de valeur que l’autonomie de compétences.
  • L’équité externe perçue : prérequis essentiel. Plus l’utilisateur se compare positivement et perçoit son traitement comme équitable par rapport aux autres utilisateurs, moins il aura tendance à s’éloigner des parcours numériques et à demander de l’aide pour y participer.
    La conception inclusive des dispositifs numériques s’avère également indispensable pour renforcer la participation motivée de l’utilisateur et l’engagement du client dans la relation.

  • La reconnaissance perçue est indispensable pour renforcer l’engagement du client dans la relation. En revanche, dans une logique de services, une attention particulière doit être accordée aux effets de la reconnaissance perçue sur les modes de participation, notamment de la reconnaissance par l’entourage qui dépend des caractéristiques de l’environnement social de l’utilisateur et de sa sensibilité à l’influence sociale.

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